Ça ne vous aura pas échappé : les projets-phares du milieu des 90's soufflent tour à tour leur vingtaine de bougies. Parmi les galettes mises à l'honneur, que reste t-il de The Infamous, le cultissime second album de Mobb Deep et véritable point de départ de la carrière d'Havoc et Prodigy ? Un message toujours présent ou un vague souvenir d'une gloire passée comme la saga Highlander ? On vous invite à revisiter un classique.
Bien plus que "deux jeunes de la cité HLM de Queensbridge qui ont décidé de rapper ensemble", Mobb Deep c'est avant tout la rencontre des parcours atypiques d'Albert "Prodigy" Johnson et Kejuan "Havoc" Muchita. Au sortir des années 80, Prodigy baigne dans la culture et les arts. Il faut dire qu'il y a du beau monde dans la famille : si sa mère officiait dans le groupe soul The Crystals, son grand-père, Bud Johnson figure dans le Jazz Hall of Fame tandis que son arrière-arrière grand-père n'est autre que William Jefferson White, fondateur de l'université privée Morehouse College (qui diplôma Martin Luther King et Spike Lee entre autre). Malgré ces atouts de départ, Prodigy choisira une voie plus complexe. Entre larcins, galères, famille dysfonctionelle, vente de crack et maladie génétique du sang, la vie à Queensbridge prépare le terrain à la retranscription en lyrics des expériences du jeune Prodigy. C'est sur les bancs de la prestigieuse High School of Art & Design de New-York qu'Albert rencontre Kejuan. Le début d'une grande histoire amorcée autour d'une grosse baston à l'arme blanche, #oklm. Dès lors, le binôme se lance en 1992, sous la première appellation Poetical Prophets. LesProphètes Poétiques deviennent par la suite Mafia Profonde sur les conseils de Puff Daddy.
Tous les éléments en place auraient suffi pour cantonner Mobb Deep à la catégorie énième formation rap ancré dans le bitume mais les deux futurs fournisseurs-officiels de-beats-pour-freestyles-de-MJC s'avèrent bien plus que large que la case dans laquelle on voulut les mettre. Mobb Deep incarne en effet l'alchimie parfaite entre aspirations brisées par la "peer pressure" et vraie sensibilité aussi émotionnelle qu'artistique. Havoc et Prodigy sont deux oxymores vivantes, tel des khâgneux-dealers de ZEP, capables de tirer sur une réceptionniste ayant osé afficher un poster mal cadré de Joséphine Baker. Cette alchimie constituant l'essence du groupe n'est pas perceptible d'emblée en 1993. Leur premier album Juvenile Hell, fut ainsi aussi bien accueilli que le quatrième Indiana Jones ou Dragon Ball GT, malgré des productions de DJ Premier et Large Professor. Il faudra attendre la collaboration d'Havoc sur le mythique Enta Da Stage de Black Moon et le morceau "Shook Ones", pour voir fleurir les premiers coups de brosse sur le blason des deux larrons, comme autant d'actes de foi d'un rap game qui n'attendait sans doute qu'eux.
Fort de ces succès grandissants, Mobb Deep finit par taper à la porte de Loud Records, qui avait signé entre autres, Tha Alkaholiks et un Wu-Tang Clan en plein essor. Ils rencontrent le staff du label selon un scénario classique : entretien / écoute de disque... Jusqu'au moment où Schott Free, le D.A de l'époque les questionne sur la vie dans le Queens. La réponse de Prodigy fut tout simplement de brandir le Tec-9 rangé dans son slip. Une entrée en matière qui fit grande impression et débloqua les 60 000 dollars de budget pour la réalisation deThe Infamous. Résultat : un disque d'or, une place parmi les plus grands albums de rap de tous les temps, une consommation de cocaïne amorcée au moment de l'enregistrement de l'album et qui deviendra habitude, des productions et une écriture devenues cas d'école, sans oublier des tonnes de copycats naissant aux quatre coins du globe. Et puis bien entendu, le mythique "Shook Ones Part II", pierre angulaire du son de Mobb Deep, hymne à la streetlife d'une noirceur inégalée, un cross-over ultime qui pava le chemin du rap hardcore jusqu'à devenir la séquence d'entrée du film 8 Mile.
20 ans plus tard, les copies ont-elles supplanté leur modèle original ? Le son Mobb Deep est il devenu un "type" d'instrus pour freestyles peu inspirés, ou un simple nom dans les playlists de personnes incapables de différencier groupes et albums quand on aligne les mots "Infamous" et "Mobb" dans la même phrase ?
Malgré la véhémence compréhensible envers la période G-Unit, les dires sur les orientations sexuelles de Prodigy ou la séparation-réconciliation du groupe, malgré les frasques et les déboires, le prosélytisme et la sociologie de comptoir distillée autour du rap en général, The Infamous fête ses 20 bougies aujourd'hui. On les souffle sans bouder notre plaisir, en souhaitant que le prochain album de Havoc et Prodigy avec l'artificier Alchemist en ravive la flamme.
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