de Jihane Mriouah du BLOG SURL
La révélation de 2015 Anderson .Paak n'aura mis que quelques jours pour marquer 2016 de son empreinte. Présenté au grand public sur le Compton de Dr. Dre, l'artiste californien nous tapait dans l'oeil depuis un moment. Autant dire que nous étions plutôt impatients d'avoir son album Malibu, sorti le 15 janvier, entre les mains. Tentative de description de l'état d'esprit dans lequel plonge l'écoute de cet album qui marque le début d'année d'une empreinte musicale forte et irrésistible.
N'y allons pas par quatre chemins, il n'y a rien à jeter dans cet album. Si "Come Down" et "Am I Wrong" sont les morceaux qui ont le plus fort potentiel banger - Anderson .Paak l'a démontré dans sa prestation au Grand Journal, à voir ci-dessous - il est difficile de pointer des tracks qui sortent du lot. La bonne nouvelle : ce disque ne sera pas un de ceux qui font skipper les sons en demi teinte. Au contraire, chacun des 16 morceaux comporte un moment d'exaltation. Du travail vocal soul et rap d'Anderson .Paak aux éléments instrumentaux, en passant par son écriture : il y en a pour tout le monde. La présence de Rapsody ou Talib Kweli et les productions par diverses pointures telles que Madlib ("The Waters") ou Kaytranada ("Lite Weight"), font office d'ouverture dans un album personnel et poignant. Au rayon des participations, le featuring de BJ The Chicago Kid, amenant une soul spirituelle, est surement le plus réussi de l'album. Mais c'est quoi, au fait, cet album ?
JAZZ, FUNK, SOUL, R'N'B: UNE ODE À LA MUSIQUE NOIRE
Malibu, en une heure, développe un groove inégalé. La formation initiale de batteur d'Anderson .Paak se retrouve dans chaque morceau. Il joue par exemple une avalanche de rimshots sur "Heart Don't Stand A Chance" donnant un ton jazz à un morceau sur lequel il pose de façon irrésistible entre rap et R'n'B. Les lignes de basse qui se déroulent dans les chansons de Malibu semblent influencées par Thundercat et prennent vie dans une trame funk subtile comme dans "The Waters" ou plus évidente dans "Come Down". On se surprend à souhaiter qu'un film de la blaxploitation utilise Malibu comme bande son originale. Malgré la contribution de musiciens différents, l'album est également d'une cohérence sans accroc.
Au même titre que les drums, les cuivres ont une place de choix dans cet album, apportant une chaleur confortable. Les trompettes sur "Silicon Valley" résonnent presque bibliquement. Anderson .Paak y délivre tout ce qu'on aime de la soul music, se frayant un chemin droit au coeur. Pas d'inquiétude, le groove n'est pas laissé de côté : les envolées de cuivres façon Donnie Trumpet sur "Am I Wrong" donnent direct la bougeotte. Arrangeur de talent, il n'a pas non plus fait d'économie sur la présence de chœurs. Tous les morceaux sont parsemés d'éléments vocaux comme des touches de peintures claires sur un tableau. Un élément organique qui amène à établir un lien avec les histoires qu'Anderson .Paak nous conte. Dans cette logique, on peut ajouter le piano comme instrument qui parle d'amour sur "Room In Here".
ÉMOTIONS EN PAGAILLE
A l'écoute de Malibu, on flotte. L'album explique comment Anderson .Paak a gardé la tête hors de l'eau dans les moments les plus difficiles de sa vie pour aujourd'hui naviguer sur les flots avec brio. L'eau, avec le symbolisme de la renaissance qui lui est associé, est un élément récurrent dans l'album. En ouvrant Malibu avec "The Bird" (un hommage à Bob Marley ?) racontant ses origines et les épreuves du passé avec une tendresse infinie, Anderson .Paak place l'auditeur dans un état émotionnel particulier dès les premières notes de l'album. Il faut dire que le jeune homme est passé par des moments dramatiques. En partageant des détails si personnels, le musicien parle à l'humanité en chacun de nous, comme dans le morceau qui débute l'album et nous guide dans son univers avec ce qui suit : "My mama caught the gambling bug... My papa was behind them bars / We never had to want for nuthin’ / Said all we ever need is love."
La détermination d'Anderson .Paak puise sa force dans ses moments de fragilité ultimes, exprimées dans "The Season/Carry Me". La pannel d'émotions que Malibu provoque est d'une amplitude façon montagne russe où le port de la ceinture ne serait pas obligatoire. Malibu, c'est la tentative d'Anderson .Paak de toucher les gens au plus profond de leurs sentiments. Il est question des difficultés d'aimer de façon inconditionnelle (ses parents malgré leurs démons, soi-même), et de donner plus de cœur dans les relations humaines et de foi. Foi, en soi-même et en ses rêves.
UN ALBUM GOSPEL
L'album Malibu s'inscrit dans un mouvement d'élévation. En distillant des éléments biographiques, Anderson .Paak, tout au long des 16 titres qu'il a composés, nous parle de lui pour exprimer que tout est possible si l'on s'en donne les moyens. De moments dramatiques en moments heureux, le californien chante l'espoir et rappelle le pouvoir des rêves. "What’s the meaning of my fortune meeting? / When I crack the cookie all it said was “keep dreaming”", dit-il dans "Carry Me".
Le mot rêve et ses déclinaisons apparaît 7 fois dans les différents morceaux. L'album se clôture d'ailleurs sur une chanson intitulée "The Dreamer", dont les choeurs, des voix juvéniles, répètent "don't stop now, keep dreaming" dans une invocation à l'attention de l'auditeur ou comme si Anderson .Paak s'encourageait lui-même. Et comme le souligne si bien Talib Kweli, présent sur le morceau, cet album est d'abord sorti en forme de tribute pour Martin Luther King dont le célèbre rêve semble n'avoir jamais vu réalité.
Dans une invitation à entretenir nos rêves les plus fous, Anderson .Paak délivre le témoignage d'un homme à qui tout réussit après des années de travail, malgré de minces probabilités, et qui a su s'élever au dessus de sa condition. Il montre que le labeur paye et que d'où que l'on vienne, les rêves sont toujours à portée de main.Malibu parle de rédemption : le gospel version 2016.
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