par Rachid Majdoub
Diddy aurait commandité le meurtre de Tupac et, en représailles, Suge Knight celui de Biggie. C’est ce que concluait Greg Kading, ex-détective du LAPD dont la longue enquête sur les assassinats des deux icônes est de retour au centre d’un documentaire : Murder Rap. Derrière ces accusations se cache un fait quant à lui avéré : la guerre des côtes déclenchée et alimentée par les deux managers a fini par tuer leurs protégés. Retour sur une affaire aussi complexe que simple…
Après 20 ans de mystère, la vérité sur les meurtres de Tupac Shakur et Christopher Wallace aka The Notorious B.I.G. n’a jamais été aussi lointaine…
Ou aussi proche, si l’on en croit les sérieuses conclusions de Greg Kading, ex-détective du LAPD dont la solide enquête sur les assassinats des deux icônes (qu’il a racontée dans un livre en 2011) est de nouveau mise en lumière dans un documentaire éponyme, Murder Rap, disponible sur iTunes depuis le 2 février et qui sera diffusé sur Netflix au printemps.
Interrogés par le Huffington Post américain, Greg Kading et le cinéaste Mike Dorsey déplorent un manque de soutien de la presse vis-à-vis de leur film pourtant très abouti, comme cela a été le cas du côté des éditeurs pour le livre duquel il est tiré.
Tupac, Diddy et les gangsEntre Sean “Diddy” Combs, Suge Knight, le FBI, les Crips, la Nation of Islam, la Jewish Defense League, on finit vite par être perdus tant les suspects ont été nombreux au fil des enquêtes indépendantes menées jusqu’à présent. Ici, c’est particulièrement autour de Diddy que l’étau se resserre, sans pour autant écarter l’implication d’autres malfamés et exclure les démonstrations de théories connexes sur le meurtre de Tupac.
Selon les conclusions de l’officier Greg Kading, qui ne sont pas récentes mais qui sont à prendre très au sérieux, Sean “Diddy” Combs aurait commandité l’assassinat de son meilleur ennemi, Tupac, en missionnant deux membres d’un gang des Crips, Duane Keith “Keffe D’” Davis et son neveu Orlando. Leur mission : tuer Shakur et son manager Suge Knight contre un million de dollars. Somme dont ils n’auraient jamais pesé le poids.
Les révélations ne s’arrêtent pas là et nous renvoient donc vers une vieille connaissance de Tupac : Orlando “Baby Lane” Anderson. Ce nom ne vous dit rien ? Membre des Crips, il s’agissait de l’un des nombreux ennemis du rappeur, avec qui ce dernier s’était battu dans le hall du MGM Grand de Las Vegas alors que la cloche venait de sonner la fin du combat entre Mike Tyson et Bruce Seldon.
La suite : Tupac, Suge Knight, leurs gardes du corps et quelques proches sortent en trombe de l’hôtel-casino, montent dans leurs voitures direction le Club 662… qu’ils n’atteindront jamais.
7 septembre 1996, 3 h 14 : Tupac, côté passager, et son manager, au volant de sa BMW E38 Berline, patientent au feu rouge. Une Cadillac Fleetwood blanche s’arrête à leur niveau, la fenêtre descend, une rafale de coups de feu atteint Tupac à quatre reprises, pour deux blessures mortelles à la poitrine ; Suge Knight est légèrement touché à la tête.
Selon les déclarations de Duane Keith “Keffe D’” Davis (qui était dans la voiture ennemie avec son groupe en provenance de Compton) recueillies par Greg Kading et de nouveau relatées dans le documentaire, c’est son neveu Orlando Anderson, mystérieusement tué à Compton en 1998, qui a pressé la détente cette nuit-là. Nous voilà renvoyés à la thèse primaire, la plus simple.
Une théorie qui, après ces informations, devient plausible avec un Diddy en commanditaire caché derrière la soif de vengeance des membres des Crips : parfait pour le producteur américain pour ne pas être soupçonné, la balle étant renvoyée dans le camp du gang rival de Tupac. Ou comment faire croire à une guerre des gangs qui aboutit à un règlement de compte et, soyons fous, faire ensuite assassiner Orlando Anderson pour se libérer de tout risque de témoignage.
Contrairement à Orlando Anderson, Keffe D’ n’a pas porté l’arme du crime et est toujours vivant pour enfin témoigner contre Diddy qui, durant deux décennies, a joui d’une notoriété telle qu’elle l’a protégé des soupçons pesant sur lui. Lui, qui était déjà accusé par Tupac en 1994 lorsque le rappeur, avec cinq balles dans le corps, survivait à une fusillade le ciblant dans les locaux des Quad Recording Studios à Manhattan. Au même moment, Diddy enregistrait quelques étages plus haut avant de découvrir, immobile et surpris, le corps ensanglanté mais encore animé de son rival.
Biggie, Suge Knight et le FBI
L’ex-détective du LAPD Greg Kading, qui a été contraint de se retirer en 2010 avant de publier son livre en 2011 suite à trois ans d’enquête, a été tout au long de ses vingt-cinq années de carrière un officier exemplaire, décoré à plusieurs reprises.
Son investigation, qui est sûrement la plus aboutie sur cette affaire (avec celle de Russell Poole), l’a mené à une autre conclusion : en représailles du meurtre de son “protégé”, Suge Knight aurait embauché Wardell “Poochie” Fouse, un membre de son gang, les Bloods, pour tuer Biggie contre la maigre somme de 13 000 dollars. Biggie Smalls est abattu six mois après Tupac, le 9 mars 1997, en terrain hostile, à Los Angeles. Et devinez ce qui est arrivé à Poochie ? Comme pour Orlando Anderson, il s’est fait tirer dessus à Compton. C’était en 2003, dans des circonstances apparemment sans rapport avec notre si complexe histoire.
Cette information accusant le manager historique de 2Pac émane d’un autre témoin-clé : la mère d’un des enfants de Suge, interrogée par Kading. Elle rejoint alors les conclusions de l’enquête de Russell Poole, ex-détective du LAPD qui avait lui aussi mené de longues recherches pour élucider cette affaire de double meurtre : sa théorie, exposée dans le documentaire Biggie and Tupac sorti en 2002, était similaire à celle de Kading. Selon lui, Suge Knight aurait commandité le meurtre de Christopher Wallace, avec l’aide du FBI.
Si l’on fusionne les enquêtes menées par les deux détectives, l’histoire tient tout autant la route. On pourrait alors imaginer les implications du FBI pour protéger les deux surpuissants managers commanditaires, et des membres des gangs rivaux en exécutants. Une théorie encore plus stable quand on sait à quel point Suge Knight, Diddy et les gangs entretenaient un lien étroit avec des membres du Federal Bureau of Investigation ; certains étaient corrompus, d’autres assuraient la sécurité des deux magnats et leur entourage.
Tout paraît alors plus simple, mais…
Ensuite, il y a la théorie qui voudrait que Suge Knight, avec l’appui de flics voyous du FBI, soit derrière le meurtre de Tupac pour une histoire de millions de dollars de royalties dus au rappeur. Avancée par Russell Poole, elle aussi est solide et mettrait Suge Knight à la tête d’une vaste manigance visant à faire croire à des représailles entre gangs.
Alors qu’il s’apprêtait à dévoiler sa vérité dans un nouveau livre, Russell Poole décède le 19 août 2015 d’un arrêt cardiaque entouré de circonstances floues, alors qu’il sortait d’un entretien peu commun avec le FBI. Espérons que Kading ne connaisse pas le même sort que lui et de nombreux témoins potentiels dans cette triste affaire.
Finalement et au-delà de toute théorie, cette histoire, qui risque de ne jamais trouver de dénouement, aura été nourrie par une guerre des gangs sur fond de bataille West Coast-East Coast alimentée par deux mecs encore vivants aujourd’hui mais inaccessibles : Sean “Diddy” Combs, toujours aussi muet, et Suge Knight, actuellement emprisonné pour meurtre dans le cadre d’une autre affaire.
En ayant lancé et alimenté une bataille des gangs et des côtes, Diddy et Suge Knight ont simplement tué Tupac et Biggie.
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