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Interview de Disco D (Producteur du classique Ski Mask Way de 50 Cent) qui s'est suicidé en 200

  • Publié par Funky Thug
  • sam 03 nov. 12 - 00:30
  • Genre: rap

'Ski Mask Way', sur l'album de 50 Cent, c'est lui. Avec ce seul titre, largement salué, Disco D a fait son entrée dans les hautes sphères de la production à l'américaine. De la Ghettotech au RnB, du rap à la publicité, le producteur touche-à-tout évoque son éclectisme et nous emmène dans les coulisses d'un milieu méchamment concurrentiel. Juste avant sa mort prématuré

Abcdrduson : Tu viens de faire une entrée fracassante dans le monde du rap en produisant 'Ski Mask Way' sur l'album de 50 Cent, "The Massacre", mais ton CV est bien plus long que ça. Pour résumer : qui est Disco D ? 

Disco D : Ha, alors comment est-ce que je pourrais me décrire ? DJ, producteur, entrepreneur, grosso modo un mec cinglé. Disco D c'est moi, et je suis Disco D ! 

A : Ta carrière musicale a commencé quand tu étais adolescent. Avant de travailler avec Curtis Jackson, dans quels projets as-tu été impliqué ? 

D : J'ai sorti mon premier EP vynile de Ghettotech quand j'avais 17 ans, peu de temps après j'ai signé un deal avec Mixconnection Multimedia, l'ancienne entreprise de Bad Boy Bill, et j'ai fait deux EP avec eux. En 1999, j'ai crée mon premier label, GTI (Ghetto Tech Institute), sur lequel j'ai sorti certains de mes EP ainsi que ceux d'artistes comme DJ Zap et DJ Deeon, en plus de mon premier mix-CD officiel, "Straight out tha trunk". GTI a fermé en 2002 suite à la faillite de notre distributeur. J'ai collaboré avec DJ Salinger et DJ Profit sur le label et les soirées Booty Bar, on a fait quelques EP. J'ai fait un EP et un mix-CD avec Tommy Boy en 2003. J'ai co-produit cinq morceaux sur l'album de Nina Sky avec Cipha Sounds en 2004, ce qui m'a amené à me concentrer sur la production pour des tiers, d'où le travail avec 50 et tout ça. J'ai aussi fait des remixes pour Pharrell, Lords of Acid, Da Brat, 8Ball & MJG et BG. 

A : Pourrais-tu nous décrire la Ghettotech, et peut-être ses racines communes avec le hip-hop ? 

D : Ghettotech est un nom employé pour décrire un certain son de dance music, urbaine et électronique, très rapide, qui est né à Detroit. Concrètement, ça a commencé dans les années 80 avec un DJ appelé The Wizard (Jeff Mills, un énorme DJ techno). Il faisait de la radio à Detroit et mixait tout et n'importe quoi, des breakbeats au hip-hop jusqu'à l'électro et j'en passe, avec des scratchs et des styles de mix complétement dingues. Il en avait rien à foutre, il voulait juste balancer des disques. Dans les années 90, d'autres DJ de Detroit comme Gary Chandler et Wax Tax n'Dre ont accéléré le tempo et incorporé plus de styles - ainsi, quand des choses comme la Technobass (Aux 88, Detrechno) et la Booty House de Chicago sont arrivées, ils les ont ajoutées au mix, et le tempo n'a cessé d'augmenter. Ensuite, DJ Assaut, DJ Godfather et moi avons commencé à produire des titres qui collaient spécifiquement à ce style, et nous avons integré beaucoup d'éléments similaires. En fait, la Ghettotech est autant un style de mix qu'un style musical. Le lien majeur avec le hip-hop vient du fait qu'à Detroit et dans d'autres parties du midwest, la Ghettotech est classée dans l'"urban music". Quand tu te branches sur des grosses stations Hip-hop/RnB à Detroit comme 97.9 WJBL et 105.9 WDTJ, ils ont des émissions entièrement consacrées à ce style. Par ailleurs, la façon dont la musique est mixée – avec des scratchs rapides, du beat-juggling, etc – convient mieux à un DJ hip-hop qu'à un DJ de dance music. Incontestablement, les meilleurs DJ du monde sont à Detroit. 

A : Tu es donc un DJ Ghettotech, tu as produit du RNB et livré un gros sample à 50 Cent. D'où vient cet éclectisme ? 

D : En grandissant, j'ai écouté énormément de styles de musique différents, des Beatles au 2 Live Crew et NWA, de Public Enemy à Tool, N.I.N. et Pantera. J'ai aussi joué du saxophone et du jazz contemporain jusqu'à l'âge de 16 ans. En plus, je souffre de troubles de l'attention alors je suis incapable de rester concentré sur une seule chose très longtemps. Ca doit venir de ce mélange fou ! 

A : Quels sont les disques et les artistes qui ont été les plus influents dans ton éducation musicale ? 

D : 2 Live Crew, Pantera, NWA, Public Enemy, Charlie Parker, John Coltrane, Rockwilder, Timbaland, Parliament-Funkadelic, Rick James, je sais pas… Probablement tout ! 

A : Dans une interview pour le site ballerstatus.net, tu as expliqué que tu avais fait l'instru de 'Ski mask way' juste après une dispute avec ta copine. As-tu l'impression que, parfois, tu utilises la musique pour dire ce que tu n'arrives pas à exprimer avec des mots ? 

D : Bien sûr – pour moi, la meilleure des musiques exprime une émotion que les mots ne peuvent décrire. Les meilleures choses que j'ai composées l'ont été dans des états de grande émotion. Quand je travaille directement avec un artiste, j'essaie également de provoquer chez eux la meilleure expression émotionnelle. 

A : Comment réussis-tu à l'obtenir ? 

D : Certains artistes la trouvent immédiatement. D'autres ont besoin d'être entraînés – j'assimile ça à un bon acteur, sauf qu'un chanteur doit refléter toutes les qualités d'un acteur (le langage corporel, les expressions du visage, le ton) simplement avec sa voix. Souvent, je demande aux artistes de s'imaginer plus dans la chanson, de visualiser à quoi ils voudraient ressembler dans le clip, etc. 

A : Avant de commencer à faire un beat, sais-tu déjà dans quel genre il s'inscrira (rap, RnB, dancehall) ou te contentes-tu de te laisser aller avec la musique ? 

D : Je compose pour composer. Je suis souvent inspiré par un sample ou un son, ou alors j'ai une idée et je fais de mon mieux pour la faire sortir de ma tête. Cela dit, ça ne marche pas à tous les coups ! Je ne suis pas le genre de type qui va pondre quatre beats par jour. Je prends mon temps et je m'assure que le son est vraiment bon.

A : Même si tu couvres un large panel de styles, y a t-il un genre avec lequel tu es le plus à l'aise ? 

D : Je pense que les genres sont de plus en plus mêlés alors j'essaie de leur coller de moins en moins d'étiquettes. Par exemple, j'ai récemment écrit un morceau pour Sara Stokes, ça ressemble à de la bass, avec un tempo à 138 BPM, mais avec un sample des Commodores ! 

A : Justement, certaines personnes pensent que les genres doivent être bien définis pour préserver la musique, notamment dans le cas de morceaux de rap avec un refrain RnB. Que répondrais-tu à de telles opinions ? 

D : Pour moi, la musique est la musique. Un morceau est mortel ou il ne l'est pas. 

A : Avant d'être un producteur, tu étais un DJ. Est-ce que tes talents de producteur t'ont aidé à affiner ton approche de la production ? 

D : Complètement - et spécialement au niveau de la structure des morceaux. Il faut savoir à quelle vitesse construire, à quel endroit un changement sera le bienvenu, comment rendre le truc intéressant. 

A : Malgré ton succès grandissant, as-tu le sentiment d'avoir encore des faiblesses côté production ? 

D : Le problème que j'ai en ce moment, c'est de trouver l'équilibre entre l'aspect business et l'aspect créatif. Plus je fais appel à l'hémisphère droit de mon cerveau pour vendre mes beats, plus j'ai du mal à exploiter tout simplement mon énergie créative. Maintenant que j'ai une équipe vraiment bonne pour me soutenir, ça aide, mais c'est toujours une lutte. Parfois, j'aimerais aussi savoir jouer plus d'instruments, et mieux, mais je me débrouille plutôt bien avec les capacités que j'ai. 

A : Je pense que je ne me trompe pas si je dis que tu fais principalement de la musique pour clubs, et pourtant ta production pour 50 Cent est très brute. Quand tu produis du rap, essaye-tu de conserver un son poussiéreux et de garder à distance tes influences club ? 

D : Ca dépend vraiment du son. Tu peux faire des morceaux super crades qui vont mettre le feu en boîte. Je n'essaie pas d'envisager un morceau dans un contexte club quand je le fais, en tout cas pas avant qu'il soit terminé. 

A : Comme la plupart des producteurs hip-hop, tu travailles souvent avec une MPC. Considères-tu cette machine comme le Saint Graal de la production ? Pourquoi ? 

D : Ca sonne vraiment bien. Cela dit, je n'utilise pas toujours une MPC, il m'arrive de faire des morceaux directement dans Pro Tools, mais alors j'ai souvent l'impression de faire plus d'arrangements et de jouer moins. Tu peux vraiment jouer de la MPC comme d'un instrument et lui donner une dimension live. Quand je sample, la MPC est un must. 

A : Si je te disais que la qualité d'un morceau a beaucoup à voir avec les machines utilisées, tu serais d'accord avec moi ? 

D : Pas vraiment. Prends 9th Wonder, il fait des beats mortels avec Fruity Loops. Il n'y a plus de passages obligés, et la technologie s'améliore de jour en jour, mais un meilleur équipement ne fait pas de meilleurs beats, ça te donne simplement plus d'options. 

A : Tu as réalisé de nombreux thèmes musicaux pour des publicités (Sprite, Nike, X-Box) et des shows télévisés. A ton avis, quelles sont les qualités requises pour composer des thèmes ? 

D : Très souvent, il est bien plus difficile d'écrire une bonne chanson de 15 ou 30 secondes qu'une chanson de 3 minutes. Il faut avoir le même impact, mais sur un temps plus court. En plus, il faut se coltiner tout un ensemble de conneries institutionnelles, des procédures, des tonnes de changements et de retouches, peu importe que tu les juges appropriées. J'ai appris à naviguer assez bien au milieu de tout ça, mais ça peut être frustrant. 

A : Quand on te demande de faire un son pour une pub Sprite par exemple, quelles sont les recommandations données par l'entreprise ? Quelle est ta marge de manœuvre ? 

D : Ils parlent en "termes publicitaires", et il faut apprendre à les traduire en termes musicaux. Malgré tout, le produit fini tend à ressembler à mon idée initiale. C'est donnant donnant, il faut bien comprendre que les créatifs de la pub ne sont pas des musiciens, même s'ils en rêvent probablement. Le truc, c'est de s'attendre à beaucoup de changements, alors je fais en sorte que le premier son choisi ne ressemble pas exactement à ce que je veux en faire, tout simplement parce que les gens de la pub aiment changer les choses juste pour le plaisir de les changer. C'est très drôle. 

A : 'Ski mask way' ne ressemble à aucun autre son de "The massacre". Quels retours as-tu reçu des autres musiciens impliqués dans le projet (Dre, par exemple) ? 

D : Tu sais, j'ai pas vraiment eu de contacts avec ces gens-là, hormis Sha Money XL et D Prosper (le directeur artistique de G-Unit) - tous les deux ont d'ailleurs aimé le morceau. DJ Premier a déclaré que c'était le seul morceau qui valait le détour sur tout le CD, chose avec laquelle je ne suis pas forcément d'accord mais j'ai été vraiment été honoré et touché par sa remarque. 

A : Tu as dis que tes producteurs favoris du moment étaient, entre autres, Kanye West, Needlz, Timbaland, The Neptunes, Scott Storch et Lil'Jon. Pourrais-tu expliquer pourquoi chacun d'entre eux te retournent le cerveau ? 

D : C'est simple, chacun d'entre eux a fait à un moment ou un autre un beat pour lequel je me suis dit "Putain, j'aurais aimé faire ça !". J'apprécie leurs musiques, alors si je devais prendre le temps d'en disséquer les raisons pour chacun d'entre eux, il me faudrait une interview entière ! 

A : Quels sont ces morceaux que tu aurais aimé produire ? 

D : Il y en a un en particulier, c'est le nouveau morceau de Missy Elliott, 'Loose control', qui sample 'Clear' de Cybotron. Je cite celui-là en particulier parce que j'écoute encore 'Clear' aujourd'hui et c'est un des mes disques préférés.

A : Tu vis en ce moment un rêve de producteur en travaillant avec le crew numéro un dans le monde du rap, G-Unit. Quelles sont les règles les plus importantes qu'un producteur doit connaître s'il veut percer dans l'industrie du rap ? 

D : Les réseaux et la persévérance sont les clefs du succès. Les beats ne représentent que 10% du travail, mais ces 10% doivent être indéniablement mortels. Chez ces gens-là, les portes sont fermées à double tour, alors il faut vraiment frapper fort pour qu'ils les entrouvrent un petit peu. En plus, on ne sait jamais qui va aimer quoi. Un bon avocat et une équipe en laquelle tu as confiance sont aussi obligatoires. Il faut pas lâcher l'affaire, car même à ce niveau il m'arrive encore d'être fréquemment découragé. Et surtout, ne jamais se reposer sur ses lauriers en croyant que l'on est plus gros qu'un autre car il reste toujours une marge de progression. Redouble d'effort ! 

A : Dans le dernier numéro de Scratch Magazine, Sha Money XL évoque la manière avec laquelle il choisit des instrus pour ses artistes. Il dit notamment, à propos des beats des producteurs, "on s'approprie leur truc". C'était le cas avec 'Ski mask way' ? 

D : Ils l'ont conservé à peu près comme je l'avais envoyé, au niveau de la structure. Ils ont seulement ajouté des parties au synthé ici et là et ont mixé le tout. Sha Money XL m'a dit qu'Eminem avait essayé de le modifier encore plus, mais 50 et Sha sont intervenus pour refuser, c'est la première fois que ça arrivait. Honnêtement, je pense que ça aurait pu être mixé un peu mieux et de manière plus agressive, la caisse claire en particulier n'a plus la poigne qu'elle avait dans la version originale, et les 808 auraient pu être un peu plus fermes. J'ai la particularité de mixer moi-même mes sons et ça a été l'une des seules fois où je n'ai pas pu le faire. 

A : A propos de Scratch Mag, je suis à peu près sûr de te trouver dans la section Boiling Point très prochainement, mais que penses-tu du magazine, en tant que professionnel de la production ? 

D : En fait, je vais être dans la rubrique Boiling Point lors du prochain numéro. Scratch est mon magazine fétiche du moment et le seul pour lequel je prend le temps de tout lire, du début à la fin. 

A : 'Ski mask way' utilises un sample des O'Jays. As-tu été personnellement impliqué dans le processus de clearance du sample ? Peux-tu nous éclairer à ce sujet ? 

D : C'est eux qui ont clearé le sample. Il y a deux aspects lors de la clearance du sample : l'enregistrement sonore, qui est généralement la propriété du label qui a sorti l'original, et le publishing, c'est à dire la ou les personnes qui possèdent les droits d'auteur. L'objectif, c'est de faire payer la clearance par le label séparément de ton budget, et de faire en sorte de réduire au maximum la part du publishing, ce qui n'est pas toujours la chose la plus facile à faire. 

A : Penses-tu qu'à l'avenir les producteurs seront encore autorisés à utiliser des samples, spécialement dans les albums de majors ? 

D : Bien sûr, les albums de majors ont des budgets de majors. Un hit est un hit, c'est ce qui importe le plus pour le label au final. 

A : Le monde de la production semble encombré. Ai-je raison si je dis que tu as franchi l'étape la plus difficile en plaçant un beat sur l'album de 50 Cent ? 

D : Nan, bien sûr que non, la porte s'est tout juste entrouverte. On est pas encore arrivé. Et je suis pas sûr de savoir où on va ! 

A : Jonathan "JR" Rotem, un des autres producteurs du "Massacre" a annoncé qu'il avait réussi à vendre 25 beats en l'espace de trois mois. Essaies-tu d'atteindre ce chiffre ? Plus sérieusement, dans une perspective de carrière, ton objectif est-il d'inonder le marché ou de travailler avec des gens qui t'inspirent vraiment ? 

D : Il y a de quoi être impressionné par ce chiffre, qui n'est pas si facile à atteindre. L'idéal serait de trouver un équilibre entre le travail avec des artistes en lesquels on croit et payer les factures. Parfois c'est un choix, parfois pas. 

A : Dans un futur proche, avec la Ghettotech, vas-tu essayer de marcher dans les pas de la Crunk Music et du Reggaeton, des phénomènes régionaux devenus des succès mondiaux ? 

D : Pour moi, le but est d'incorporer les meilleurs éléments de ce genre dans des styles plus accessibles. La Ghettotech, c'est vraiment le genre de truc qu'on aime ou qu'on déteste. 

A : Quels sont tes projets futurs ? J'ai entendu dire que tu étais sur le point de travailler avec un artiste encore plus énorme que 50 Cent... Alors comme ça Michael Jackson t'a embauché pour son album d'après-procès ? 

D : Ha ! Non, je ne peux toujours rien te dire là-dessus. A part ça, j'ai placé six morceaux sur le projet de Sara Stokes ; Bee, une nouvelle rappeuse blanche de Detroit qui est INCROYABLE avec laquelle j'ai fait trois morceaux, ainsi que le Gunclap riddim que j'ai co-produit avec Max Glazer, avec des invités mortels comme The Clipse, Vybz kartel, Mad Cobra, Mr Vegas, Lexxus, Kardinal Offishal, Wayne Wonder et d'autres. J'ai aussi fait une grosse pub pour Sprite Remix, ça passe en ce moment et ça risque de devenir un morceau sur l'album de Rupee. Enfin, j'ai fait un titre pour l'album de la chanteuse R&B Teairra Mari, qui sortira chez Roc-A-Fella/Def Jam. 

A : Dernière question : S'il y a un an, je t'avais dit qu'une embrouille avec ta copine donnerait naissance au meilleur morceau de l'album numéro un des ventes aux Etats-Unis, qu'est-ce tu m'aurais dit ? 

D : J'aurais pensé que t'étais dingue. Je me dis encore que c'est dingue.

REST IN PEACE DISCO D

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