Street Blog

FREDDIE GIBBS & JAY ROCK, ENTRE VRAIS GARS

  • Publié par Funky Thug
  • jeu 03 mars 16 - 17:54
  • Genre: rap

ARTICLE DU SITE: Now Playing Mag

Un rappeur « thug » et authentique dans l’industrie musicale, c’est devenu aussi rare qu’un bon morceau d’Alicia Keys, un film pas trop long de Tarantino ou une blague drôle d’un oncle raciste. Non, en 2015 l’authenticité n’est plus un critère déterminant pour percer dans l’art de la rime. Tu peux être ancien maton de prison et rapper sur la vente de coke, ça ne fait grimacer personne. Tu peux te teindre les cheveux, porter des jupes et mâchouiller tes paroles sous autotune : t’es la révélation de l’année. Tu peux même venir de Toronto et miauler des hymnes à tes exs qui t’ont trompé, tu vendras encore plus d’albums. Rares sont ceux qui persistent à revendiquer les valeurs de la rue et à rencontrer un succès en le faisant. Rares sont ceux toujours authentiques, tout court. Jay Rock

Coïncidence, il s’avère que deux de cette espèce en voie de disparition ont sorti un album sur cette deuxième moitié d’année 2015 : Freddie Gibbs et Jay Rock. L’occasion rêvée de faire d’une pierre deux coups et de parler de ces deux gaillards en comparant leur façon respective de parler de la rue, leur art du récit et puis aussi de déterminer lequel des deux est le plus thug. Et oui, le rap c’est toujours ça : un concours, une compétition pour savoir qui est le plus fort, qui pisse le plus loin et qui a la plus grosse.

Attentes et enjeux

Si Freddie Gibbs a été le plus présent sur le devant de la scène avec son ESGN (2013), son album collaboratifCocaïne Piñata avec Madlib (2014) et son Pronto EP (2015), c’est naturellement Jay Rock qui était le plus attendu étant donné que son album Follow Me Home date déjà de 2011. Le rappeur de TDE a malgré tout su maintenir la flamme en lâchant quelques couplets mémorables (notamment sur « Money Trees » de Kendrick ou encore « I Just Wanna Party » du YG), qui lui ont permis de garder un réel intérêt (euphémisme) autour de son deuxième album. Pour résumer : l’un en pleine bourre (et inarrêtable), l’autre au talent reconnu mais en attente de confirmation avec un deuxième projet. Du côté de Gangsta Gibbs la confirmation est déjà là, c’est son deuxième album solo mais il nous a déjà livré d’autres projets et mixtapes à la hauteur de son talent, sans aucune fausse note. La pression était donc davantage sur les épaules du membre fondateur de Top Dawg Entertainment.

Un combat de titans

Le match oppose donc Shadow Of A Doubt à 90059, le glacial midwest à la chaleur californienne et pourtant la première chose que partage ces albums est l’obscurité et la noirceur de leurs pochettes respectives.

On entre dans le vif du sujet : les deux introductions (« Rearview » et « Necessary ») envoient directement un coup de pied dans la table et n’y vont pas par quatre chemins : coup de poing dans la mâchoire. Un début pareil, c’est tout sauf une surprise. On a l’habitude avec ces deux rappeurs de voir des éléphants dans un magasin de porcelaine, aucun détail n’est fait, on fonce dans le tas. Du moins c’est ce qu’on se dit et on va vite être étonnés par la tournure du projet de Jay Rock, plus que par celui de Freddie Gibbs.

En écoutant le premier single « Money Trees Deuce » j’ai d’abord tiqué. Je n’ai pas retrouvé le Jay Rock qui fonce sur tout ce qui bouge mais davantage une version que je qualifierais d’édulcorée, plus soft. Après un certain temps de digestion, je me suis surpris à écouter ce morceau au moins une fois par jour pendant 3 mois. Cette production deFlippa, c’est du caviar à déguster avec une coupe de champagne fraîche sur un transat’ sous le soleil de Los Angeles. Sortir ce single tant en avance sur la sortie de l’album a été quelque chose de bénéfique et m’a préparé au reste du projet qui est davantage dans cette veine. « Gumbo »« Telegram (Going Crazy) »« Fly On The Wall » (pour ne citer qu’eux) emboitent le pas dans cette ambiance moins « agressive » mais plus smooth. Un nouveau style pourRock qui lui convient parfaitement, cela lui donne plus d’épaisseur en tant que rappeur, au-delà de simple emcee.

En ce qui concerne Freddie Gibbs, le panel qu’il est capable de proposer est déjà plus large, on le sait. Notamment grâce au fabuleux Cocaïne Piñata de l’année dernière, sur lequel Madlib l’a totalement challengé avec des productions très éloignées de sa trap chérie. Un style que l’on retrouve davantage pour Shadow Of A Doubt, dans la continuité de son excellent EP Pronto, sorti plus tôt dans l’année. Avec « Narcos »« Freddie Gordy » ou encore« McDuck (feat. Dana Williams) » on retourne à l’essence même de ce qu’est le gars de Gary (cette bourgade dans l’Indiana). Un mec qui vient du ghetto, de la rue quoi, capable d’une vraie musicalité. Freddie est de plus en plus enclin à pousser la chansonnette et cela lui va plutôt très bien (cf : « Careless »« Basketball Wives »). Le premier single « F*cking Up The Count » n’a laissé aucune place au doute, Freddie est toujours ce même gars, aussi enraciné à sa vie dans la rue qu’un arbre centenaire au milieu de son parc. C’est son habitat naturel. Tout cela parfaitement orchestré par Boi-1-da aux manettes, avec des extraits bien sentis de la série mythique The Wire et un clip tout aussi dramatique.

Deux stratégies différentes

Shadow Of A Doubt comporte quinze morceaux et dure pratiquement une heure. 90059 est constitué de onze morceaux, seulement, pour une durée de quarante six minutes. Une galette étoffée face à quelque chose de plus épuré. Un style plus traditionnel en mode bourrin, tête de Roumain/zgeg de poulain versus une légèreté (oui et non en fait) inattendue avec une intensité certaine, allant droit au but. Finalement c’est l’endurance de l’un face au sprint de l’autre. On se rend finalement compte qu’autant de points communs initiaux les différencient ensuite, au fur et à mesure de l’écoute des albums respectifs.

Victoire aux points ?

Les deux renégats se rendent coup pour coup avec des styles bien différents. Pourtant au final il faut bien trancher, aussi acharné que le combat puisse être. Soyons synthétique.

Sur le contenu, les comparses ne font pas d’erreur et restent fidèles à leur ligne de conduite. La drogue (plus pourGibbs quand même) et la vie dans le ghetto restent les sujets prédominants pour les deux combattants.

Sur la forme, déjà plus de disparité. Freddie Gibbs revient à sa trap natale, son agressivité au micro est toujours intacte. Quand il dit quelque chose on l’écoute et on le croit. Jay Rock s’est essayé à un nouveau style, un petit peu plus en retenu et cela n’est vraiment pas pour autant que ses mots ont moins d’impact, au contraire. Autant sur ses apparitions en featuring, il mange absolument tout, autant sur son album, il est maître des lieux et on ressent davantage de quiétude. Cela est au final fort judicieux et bien vu de sa part.

Le format d’album plus étoffé et fourni de Shadow Of A Doubt, par définition, laisse plus de place aux déchets. Déchets qui sont malgré tout bien présents, notamment avec « Cold Ass N*gga » qui est une bien curieuse façon de conclure l’album. Il a tenté quelque chose, cela ressemble à beaucoup de bruit pour moi, c’est raté (on remercieMike Dean pour cette instrumentale poisseuse). Au contraire, le format court de 90059 laisse moins de place pour les courants d’air. Ils auraient très bien pu être présents mais ce n’est pas le cas. C’est souvent le gros avantage des projets courts : moins de déchet, on va droit au but.

En terme d’invités, Jay Rock arrive encore une fois à rassembler les Black Hippy sur un même morceau avec l’hilarant et très réussi « Vice City »On relèvera également l’apparition d’Isaiah Rashad au refrain de « Wanna Ride »et de SZA sur le tout aussi excellent « Easy Bake » sur lequel l’échange verbal entre Rock et Kendrick marque un temps fort de l’album. Impossible de ne pas citer l’apparition du vieux Busta Rhymes sur l’apaisant « Fly On The Wall », remarquable.

Pour contre-carrer cette (belle) liste d’invités, Freddie Soprano nous propose le légendaire emcee du groupe The Roots, j’ai nommé Black Thought, sur l’exquis « Extradite ». On y trouve aussi les non-moins légendaires E-40 etGucci Mane sur le planant et dansant « 10 Times ». Difficile de faire plus authentique que ces trois invités tout de même. Freddie n’a pas invité grand monde mais il a tapé dans le mille.

Je vous l’ai dit, le combat est acharné.

Il ne doit en rester qu’un

Au final, il faut bien choisir un vainqueur, même si comme vous vous en êtes sûrement déjà rendus compte, j’ai beaucoup apprécié ces deux projets aux deux styles complémentaires. Je dois trancher et je dois avouer qu’avec le temps, j’apprécie de plus en plus le projet court et sans faute. Pour cela, ainsi que pour l’innovation dans son style et la prise de risque, je couronne Jay Rock avec 90059 au terme d’un combat des plus acharnés. Shadow Of A Doubt de Freddie Gibbs s’en sort mieux qu’avec les honneurs et la tête haute, personne n’est véritablement perdant ici, encore moins les auditeurs. Nous n’allons pas nous mentir, rien que réunir sur un morceau E-40 etGucci Mane c’est légendaire.

Burr, burr

Commentaires (Facebook)
Commentaires
  • Aucun commentaire visible

Vous n'êtes pas autorisé à poster des commentaires
Se connecter | S'inscrire

Nouveaux articles

Top amis

  • Demolition Man
  • Kien - SMSO production - Rap / Slam / Hip Hop
  • Beatmaker.fr
  • Skithoven
  • Pharoahe Monch
  • Jukaz
  • Söze67
  • INTERNATIONAL HIP HOP
  • Wassup Bruh
    Online
  • Heisenberg Town
  • ASSE.2kmusic.com
  • GOOD2GOOD